Histoire Postglaciaire de la Végétation dans la Région de Mont-Saint-Pierre, Gaspésie, Québec

Abstract
Les analyses pollinique et macrofossile de sédiments de deux lacs des environs de Mont-Saint-Pierre (Gaspésie), l'un dans la vallée côtière, l'autre sur le plateau, permettent de reconstituer l'histoire postglaciaire de la végétation dans deux situations physiographiques contrastées. Seul le plateau a été colonisé par une végétation initiale de type toundra (> 10 400 ans BP), pendant que la vallée était encore en partie ennoyée par la mer de Goldthwait. L'afforestation du plateau fut caractérisée d'abord par des populations de Picea sp., accompagné de Populus sp. et Larix laricina, puis par un envahissement progressif par Abies balsamea et Betula papyrifera. La baisse de la représentation pollinique de l'aulne vert (Alnus cf. crispa), maximale durant l'afforestation, paraît être un indicateur assez fidèle de la fermeture de la couverture forestière. Cette phase se termine vers 9000 ans BP sur le plateau. Le rythme de l'afforestation a été différent dans la vallée. Des taxons héliophiles s'y sont maintenus plus longtemps, ce qui peut être relié à l'activité des versants abrupts qui flanquent la vallée. Malgré des variations de l'abondance relative des arbres, la sapinière à bouleau blanc a sans doute occupé le plateau depuis 9000 ans BP environ. Par contre, la végétation de la vallée s'est passablement modifiée jusque vers 5000 à 4500 ans BP, par la migration successive de Betula alleghaniensis, de Pinus strobus, de Fraxinus nigra, dAcer saccharum et d'Ulmus americana. L'implantation progressive de ces arbres relativement thermophiles est à l'origine de la diversité du paysage actuel de la vallée. Ces reconstitutions permettent d'écarter l'hypothèse de Dansereau (1944) selon laquelle les érablières à Acer saccharum de la Gaspésie seraient des groupements hérités de l'optimum climatique de l'Holocène moyen, au cours duquel les érablières auraient été largement répandues sur le territoire. Les données montrent que ces érablières datent de l'Holocène Supérieur, la migration d'Acer saccharum ayant sans doute été freinée par des barrières topo-climatiques entraînant une discontinuité prononcée des habitats pouvant accueillir cette espèce.