La généralisation de l'insécurité salariale en Amérique

Abstract
La généralisation de l'insécurité salariale en Amérique. Durant la décennie passée, les licenciements de masse sont devenus un instrument privilégié de gestion financière à court terme des entreprises américaines de sorte que les classes moyennes et managériales étatsuniennes ont fait l'amère découverte de l'insécurité de l'emploi en plein regain de croissance. A partir d'une vaste enquête du New York Times publiée sous forme de reportages puis d'un livre à succès, cet article décrit la mise en place de la thématique du "downsizing", vocable nouveau issu de l'industrie automobile qui désigne et masque à la fois la remise en cause du pacte social paternaliste qui protégeait jusqu'à récemment les employés des grandes firmes ainsi que les dispositifs bureaucratiques et symboliques sur lesquels s'appuit la normalisation forcée de la précarité salariale. Car le retour de la prospérité aux Etats-Unis s'est bâti sur une dégradation spectaculaire des termes et des conditions d'emploi : durant les quinze dernières années, trois Américains sur quatre ont connu ou frôlé le licenciement ; 41 % des personnels « dégraissés » n'étaient pas couverts par l'assurance-chômage et les deux tiers de ceux qui ont retrouvé du travail ont dû accepter un poste moins rémunéré. Aujourd'hui 82 % des Américains se déclarent prêts, pour sauvegarder leur emploi, à allonger leurs horaires, 71 % accepteraient d'amputer leurs congés, 53 % de réduire leurs avantages sociaux et 44% leur salaire. L'absence d'action collective face à la prolifération des débauchages commandés par les maneuvres boursières s'explique pour partie par la prégnance de l'ethos de l'individualisme méritocratique qui veut que chaque salarié soit seul responsable de son destin. Mais l'anxiété des classes moyennes étatsuniennes exprime bien plus qu'une simple « démocratisation » de l'insécurité socioéconomique. Elle traduit une crise structurale du mode de reproduction sociale qui touche avec une force particulière les occupants des zones intermédiaires de l'espace social. Faute d'un langage capable de donner une signification collective à la poussière des déboires et des désillusions individuels, la frustration suscitée par le dérèglement des stratégies de reproduction des classes moyennes américaines se retourne d'un côté contre l'Etat et de l'autre contre les catégories « déméritantes » ou soupçonnées de bénéficier d'avantages indus, Noirs, femmes, et pauvres jetés en pâture au pays afin d'exorciser la peur montante de la chute sociale.Generelle Ausbreitung der Lohnunsicherheit in den Vereinigten Staaten. Massenentlassungen waren während des letzten Jahrzehnt das bevorzugte Instrument der Wirtschaftsabteilungen amerikanischer Unternehmen, und die Mittel- und. Managerklassen der Vereinigten Staaten sahen sich bei hohen Wachstumsraten unvermittelt mit der bitteren Erfahrung der Unsicherheit des Arbeitsplatzes konfrontiert. Auf der Grundlage einer breiten, zunächst in Reportagenform, sodann als Bestseller veröffentlichten Untersuchung der New York Times verfolgt der Artikel die Entstehung der Frage des «clownsizing», eine neue, aus der Automobilindustrie stammende Vokabel, die die Infragestellung des paternalistischen sozialen Pakts, der die Angestellten großer Firmen bis vor kurzem noch geschützt hatte, und die bürokratischen und symbolischen Vorkehrungen, auf denen die erzwungene Normalisierung sozialer Präkaritat beruht, zugleich bezeiehnet und kaschiert. Denn die Ruckkehr zum Wohl stand wurde in den Vereinigten Staaten durch eine spektakuläre Verschlechterung der Beschäftigungsumstände und -bedingungen erkauft : 75 % der Amerikaner haben in den letzten 15 Jahren eine Entlassung erfahren müssen oder sind nur knapp daran vorbeigekommen, nur 41 % des « abgespeckten » Personals verfügten über eine Arbeitslosen-Versicherung, und zwei Drittel derer, die erneut Arbeit bekamen, hatten sich mit einer schlechter bezahlten Stelle abzufin-den. 82% der Amerikaner sind zur Erhaltung ihres Arbeitsplatzes heute bereit, langer zu arbeiten, 71 % wären mit einer Kürzung ihres Urlaubs, 53% mit einer Minderung der Sozialleistungen und 44 % mit einer Lohneinbuße einverstanden. Das Fehlen kollektiver Aktionen angesichts der Ausbreitung dieser vor allem durch Börsenmanöver verursachten Entlassungen ist zum Teil aus dem auf die Spitze getriebenen individuellen Verdienstethos zu erklären, demzufolge jeder Lohn-empfänger zunächst einmal selbst der Schmied seines Glückes ist. Aber die Angst der amerikaniscben Mittelklassen bringt sehr viel mehr als eine bloße « Demokratisierung » sozialökonomischer Unsicherheit zum Ausdruck. Sie bezeugt die strukturelle Krise der sozialen Reproduktionweise, von der besonders stark die Inhaber der Übergangszonen des sozialen Raums betroffen sind. Bei Abwesenheit einer Sprache, geeignet, der individuellen Sorge und Desillusion in dieser ihrer Zersplitterung kollektiven Sinn zu geben, ist die durch die Regelauflösung der Reproduktionsstrategien amerikanischer Mittelklassen geweckte Frustration einerseits gegen den Staat, andererseits gegen bestimmte Gruppen der Gesellschaft gerichtet, denen keine...

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