Abstract
Sur la moyenne et la basse Côte Nord du Saint-Laurent, notamment à Blanc-Sablon, île Verte et île Nue de Mingan, existent des réseaux de polygones dans des tapis tourbeux de moins de 100 cm d'épaisseur recouvrant des plages sableuses ou caillouteuses de la mer de Goldthwait entre 4 et 8 m d'altitude. À l'île Verte, les polygones mesurent entre 4 et 17 m de côté et sont séparés par des fissures béantes larges de 25 à 100 cm et jusqu'à 190 cm aux intersections, et profondes de 75 à 90 cm. La tourbe sèche, compacte et ligneuse, est composée de deux espèces dominantes, Empetrum nigrum et Ledum groenlandicum. La température moyenne annuelle de l'air est d'environ 0,50C et il n'existe pas de pergélisol. Il s'agit de polygones de tourbe reliques présentant les mêmes caractéristiques que ceux des zones de pergélisol continu, notamment dans la région de Churchill (Manitoba), sur la côte ouest de la mer d'Hudson. Des diverses hypothèses évoquées pour expliquer l'origine des fissures, celle impliquant une contraction par le froid avec formation de coins de glace est retenue. Les datations au 140C obtenues sur la base du tapis organique indiquent un âge inférieur à 2000 ans en accord avec l'âge d'émersion des niveaux de 4 à 8 m dans le golfe du Saint-Laurent. La matière organique tapissant le fond des fissures béantes a donné un âge plus récent que 500 ans. En conséquence, ce réseau s'est développé au cours du dernier millénaire et probablement au cours du Petit Âge glaciaire. Il témoigne de l'existence ancienne de pergélisol dans l'est du Québec et implique des températures moyennes annuelles de l'air de l'ordre de -40C ou moins. Il met en évidence une fluctuation climatique relativement importante à une époque historique, fluctuation climatique retracée d'ailleurs dans d'autres régions du Québec nordique et les hauts sommets de la Gaspésie.