Abstract
Le relativisme éthique et l'étude des valeurs politiques Depuis quelques années, de nombreux politicologues se sont laissés persuader de réprimer leurs penchants réformistes, au moins dans le cadre de leur profession. Cette auto-répression a été produite par leur adoption de la doctrine du relativisme éthique qui a prédominé dernièrement dans les sciences sociales en Amérique du Nord et en Europe. Cette doctrine se manifeste par une censure methodologique qui soutient que l'analyse scientifique est en elle-même incapable de produire des jugements sur la valeur des choses. L'acceptation de cette censure méthodologique a conduit les analystes non seulement à abandonner la recherche traditionnelle de ce que l'on pourrait appeler « des standards objectifs de valeur dans la nature » mais elle a aussi empêchê le développement des recherches sur les origines et la signification des jugements de valeur. L'examen des fondements de cette censure méthodologique suggère qu'elle est fondée sur des postulats hautement spéculatifs plutôt que sur des évidences empiriques concluantes. L'examen des raisons techniques avancées à l'appui de cette censure, c'est-à-dire l'argumentation baseé sur une logique propositionnelle, révèle que cet argument ne s'adresse pas à la question fondamentale et est donc une raison insuffisante pour restreindre nos recherches de la façon prescrite par cette approche. De même l'examen de la théorie émotive des valeurs et la base empirique sur laquelle elle est fondée, révèle que son fondement est plutôt faible. Elle semble tenir sa force d'un mode particulier d'interprétation des comportements présupposant la subjectivité des valeurs, ce qui est précisément l'objet de cet article. Et finalement, l'examen des raisons du rejet d'une autre possibilité—celle de l'existence des critères objectifs de valeurs discernables dans la nature—montre que ce rejet n'a qu'une base empirique fragmentair e et non concluante. Il semble que ce rejet soit fondé sur un postulat méthodologique ou sur des hypothèses métaphysiques ou épistémologiques qui peuvent être vrais mais qui ne peuvent prétendre avoir été démontrés empiriquement de façon décisive. Et puisque ces postulats semblent contredire l'expérience telle que saisie par le sens commun, il est raisonnable de conclure que leur adoption n'est pas conforme aux exigences empiriques de la science moderne. Il appert donc que l'influence considérable que la doctrine du relativisme éthique a eu sur les études politiques récentes a rétréci leurs perspectives et les a détournées de manière injustifiée de ce qui peut être considéré comme leurs véritables objectifs.