Abstract
L'épistémologie du tourisme a été longtemps faussée par l'absence de définitions, le flou des concepts. Elle est toujours gênée par l'impérialisme des disciplines académiques qui l'annexent en tout ou en partie. Elle est ainsi devenue riche, jusqu'à l'encombrement, d'études sectorielles: les sociologues étudient son impact sur tel milieu d'accueil pour en montrer, à l'aide de ratios contestables, les effets déstructurants; les économistes évaluent son effet multiplicateur dans les économies locales; les géographes montrent la « touristification » de tels espaces; les spécialistes de management s'occupent des hôtels, les historiens des arts, des musées, et les maîtres de la discipline sportive, de ce que ils appellent le tourisme sportif. Tous prétendent être au cœur du tourisme. Les « récréologues », centrant leur recherche sur les activités de loisir, ne perçoivent souvent pas que la migration constitue par elle-même une spécificité. Certains chercheurs pensent que le champ du tourisme est spécifique, que son étude implique une approche pluridisciplinaire et que le phénomène relève d'un « paradigme culturaliste ». Ce serait se fourvoyer de ne voir dans le tourisme qu'un aspect de « l'avènement des loisirs »; il n'a pas, dans son origine, la même relation de complémentarité-opposition avec le travail. Le tourisme est la forme la plus ostentatoire de la culture de distinction de la classe oisive. Attention au contre-sens d'une mauvaise traduction de leisure class selon Vehlen! Le tourisme a des origines: il a été inventé au XVIIIe siècle (The tour, découverte de la Montagne, du Rivage, de la Campagne); il a également une longue histoire élitiste, du XIXe jusqu'à la première moitié du XXe siècle, faute d'inventions de distinction. Sa diffusion à travers le corps social est récente et limitée aux pays développés; elle est massive par le nombre, mais néanmoins partielle (souvent la moitié sont des non-partants). Le tourisme du XXe siècle n'entre pas dans les catégories des années 60: culture de masse et loisir de masse, mais son évolution continue de s'expliquer par le même processus dialectique en quatre temps: invention de distinction par les marginaux, consécration par les stars, diffusion par imitation capillaire, et nouvelles inventions pour remplacer des pratiques et des lieux devenus trop communs.

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